Cette page retrace les grandes lignes de la vie du Maquis jean-Pierre. Vous trouverez de très nombreux détails, témoignages, récits, photos et anecdotes dans le Livre du Maquis Jean-Pierre. Retrouvez ces photos et de nombreuses autres dans la Médiathèque
L’odyssée du Maquis Jean-Pierre

Avant le Moulinou

L’histoire du Maquis Jean-Pierre démarre avec celle de son fondateur, Pierre Monteil.
En tant que réserviste, et avant même que la France ne déclare la guerre à l’Allemagne, Pierre Monteil est mobilisé le 25 août 1939.
Pierre Monteil sous l’identité de Chauchard
Au début de l’année 1940, il change d’affectation. Désormais cantonné en Moselle, à proximité de Bitche, il participe à plusieurs coups de main menés par les avant-postes. Puis survient la terrible offensive allemande qui, de mai à juin 1940, va bousculer nos troupes.
Après avoir vaillamment combattu dans la Somme à la tête de son escadron motocycliste, il perd la moitié de ses effectifs à Veules-les-Roses, où il est acculé à la mer après une défense héroïque. Secourus par un cargo français, le Patrie, Pierre Monteil et ses hommes seront ensuite débarqués à Cherbourg d’où ils partiront pour Brest, puis Rennes. Là, son peloton est encerclé par les troupes allemandes et fait prisonnier le 24 juin 1940, alors qu’il portait secours à plusieurs trains de civils, après un bombardement de train de munition auquel ils étaient accolés. Il est alors envoyé au camp de prisonniers de Monfort sur Meu. Le 2 novembre 1940, c’est le départ en train depuis la plaine de Baud (Rennes) avec 1360 autres prisonniers : wagon de marchandise, 40 hommes par wagon, direction la Tchecoslovaquie (actuellement Republique Tcheque]. Après 5 jours de voyage, arrivée à destination au stalag.
Mais Pierre Monteil parvient à s’évader en septembre 1941 et rejoint Paris après un incroyable périple.
Il n’a plus qu’une seule idée en tête : soutenir le mieux qu’il pourra les prisonniers de guerre français restés en captivité. Le commissariat général aux prisonniers de guerre lui confie alors la direction de la « Maison du Prisonnier » basée à Rodez. Mais si sa mission consiste à aider les familles de prisonniers, il n’hésite pas à fournir de faux papiers aux prisonniers évadés. La Gestapo finit par l’arrêter, et il est emprisonné à la caserne Burloup. Il s’en évade, change d’identité, et devient Jean Germain Chauchard, agriculteur. Il trouve refuge à Saint-Côme-d’Olt. L’heure est venue pour lui d’entrer dans la résistance armée…
Le Moulinou
Bien qu’étant recherché par les Allemands, il commence par monter, avec des réfractaires au S.T.O., une équipe de bûcherons dans l’Aubrac, avec l ’arrière-pensée de faire de ces hommes des maquisards le moment venu. Il choisit la forêt des Palanges dont la proximité avec Rodez offre des avantages certains. Mais devant l’afflux de volontaires, et manquant d’armes et d’équipement, il est obligé d’orienter ses jeunes recrues vers les maquis déjà organisés d’Aubrac ou de Villefranche-de-Panat.
Arrivent alors à Bertholène cinq Sétois : Marcel Collière (alias Alexandre), Jean Aubenque (alias Anémone), Georges Claustre (alias Aramis), Etienne Maillol (alias Barnabé), et Louis Doise, amis de longue date. Ils ont décidé d’incorporer un maquis et leur voyage les a conduits jusqu’en Aveyron. À Bertholène, ils reçoivent comme instruction de se rendre à Espalion. Là, les attend Pierre Monteil, alias Jean Chauchard, aussi connu sous le nom de Jean-Pierre.

Leur première mission : trouver l’endroit idéal où s’installer. Ce sera le Moulinou, un ancien petit corps de ferme abandonné depuis longtemps, et situé sur la rive gauche du Lot, à quelques kilomètres en aval d’Estaing.
Peu de temps après, ils sont rejoints par d’autres résistants, dont René Méjean (alias Anatole), un adjudant mécanicien de l’Armée de l’Air de Salon-de-Provence recherché par la Gestapo. Anatole devient le responsable du groupe du Moulinou avec le grade de sous-lieutenant. Très vite, la vie s’organise au Moulinou : ravitaillement, paillasses et couvertures, lignes téléphoniques dissimulées dans le lit de la rivière, armement provenant de parachutages sur l’Aubrac, moyens de transport, passant de quelques bicyclettes et une moto à des véhicules légers et quelques camions.
Entre le 6 juillet et le 7 août 1944, 37 missions seront accomplies par le maquis Jean-Pierre : embuscades, sabotage, enlèvement de gradé allemand. En raison de la trop grande affluence des volontaires au Moulinou, Pierre Monteil ouvre une “annexe” du maquis au château de Roquelaure, commune de Lassouts.

Entrée triomphale du Maquis jean-Pierre dans Rodez
Enfin, quand les Allemands quittent Rodez au matin du 18 août, les hommes du maquis Jean-Pierre sont les premiers résistants à entrer dans la ville. Leur chef, Pierre Monteil, est nommé commandant de la place pendant 48 heures.
De la rive gauche du Lot a la rive gauche du Rhin
Bien que l’Aveyron soit libéré de la présence de tout soldat allemand, les hommes du maquis Jean-Pierre sont décidés à poursuivre la lutte et à bouter l’ennemi hors de France. Aussi, s’engagent-ils dans l’armée régulière française afin de contribuer à la capitulation du Troisième Reich, ce qui les conduira tout d’abord jusqu’en Alsace (après être passés par la Bourgogne) où les combats sont particulièrement violents.
Suivant ainsi l’exemple de leur chef, ils s’engagent dans la Brigade Légère du Languedoc (B.L.L.) dont les trois bataillons rassemblent des hommes issus des Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.) et provenant des maquis de l’Hérault, de l’Aveyron, de l’Aude et de la Lozère.

En Alsace
Le voyage jusqu’au front de l’est
Formant une compagnie entière (divisée en 3 sections, dont une commandée par Anatole), les 175 hommes de Jean-Pierre prennent la route du Puy-de-Dôme, le 13 septembre 1944, à bord d’une dizaine de véhicules.
Fin septembre, les hommes de Jean-Pierre sont envoyés à Remilly-sur-Tille où les ont précédés les hommes du maquis Du Guesclin. Dès lors, commence une longue attente, une certaine inactivité pesant sur le moral de la troupe. Mais suite à la nouvelle organisation des formations militaires, la compagnie Jean-Pierre devient alors le 1er escadron léger de reconnaissance, placé sous le commandement de Jean-Pierre.
L’instruction militaire, reprise très activement, sort bientôt les hommes de l’espèce de marasme dans lequel ils ont été plongés. Le 17 octobre suivant, le 1er escadron léger de reconnaissance part pour Mirebeau-sur-Bèze, avant d’atteindre Valdahon (dans le Doubs) où les hommes de Jean-Pierre resteront encasernés un certain temps.
La vie au Valdahon : De gaulle et Churchill
Le 22 octobre, les anciens maquisards sont passés en revue par les généraux de Gaulle, de Lattre de Tassigny, et Juin. À la vue de ces hommes déterminés à se battre jusqu’à la victoire finale, mais conscient de la pauvreté de leur équipement, de Gaulle fait la promesse de remédier très rapidement à ce problème. En effet, dès le lendemain, quelques hommes issus des différentes unités trouvent à Besançon d’énormes stocks de l’armée américaine à leur disposition. Anatole, pour sa part, chef du 2e peloton du 1er escadron léger de reconnaissance, ramène suffisamment d’uniformes pour habiller tout l’escadron “à l’américaine”.

Le maquis jean-Pierre passé en revue par De Gaulle et Churchill
Le 13 novembre 1944, le général de Gaulle vient une nouvelle fois les passer en revue, accompagné cette fois d’un autre irréductible adversaire du nazisme : Winston Churchill. Toutefois, l’impatience commence à gagner les hommes de Jean-Pierre, auxquels il tarde de monter au front.
L’envoi au front
Le 29 novembre, la nouvelle tant attendue arrive enfin : c’est au tour du 1er escadron léger de reconnaissance de monter en première ligne afin de renforcer les unités engagées dans les Vosges. Le lendemain matin, les hommes de Jean-Pierre montent dans leurs camions, le moral gonflé à bloc. Leur destination : le bourg de Bushwiller, dans le Haut- Rhin. Jean-Pierre annonce à ses hommes qu’ils doivent monter en ligne dès l’après-midi pour se rendre à Blotzheim, petite ville située à proximité du Rhin. Mission : remplacer la compagnie Olivier, laquelle a été durement éprouvée lors de l’attaque de Village-Neuf. Jean-Pierre envoie d’abord des hommes occuper les deux blockhaus situés près d’une écluse à défendre. Puis s’enchaînent des patrouilles sur les bords du Rhin, à Rosenau, un village situé à 5 km au nord de Village-Neuf, et le repérage d’un nid de mitrailleuse ennemi sur l’autre rive. Le 6 décembre, Jean-Pierre reçoit un nouvel ordre l’enjoignant à se porter sur Village-Neuf où il doit prendre position avec l’escadron de Bir-Hakeim. Le détachement d’Anatole, chargé d’inspecter un blockhaus, est soudainement révélé par des faisceaux de projecteurs et des tirs de fusées éclairantes, ce qui le force à battre en retraite.
Étant désormais engagés dans une guerre de position, les soldats de Jean-Pierre partagent leur temps entre la garde au blockhaus et les patrouilles de nuit. Devant toujours tenir Village-Neuf, les hommes de Jean-Pierre subissent encore un bombardement en règle le 16 décembre, avant de quitter le village quelques jours plus tard. Mais le pire les attend.
Le terrible épisode de la Forêt de la Hardt
En effet, après les terribles combats qui ont vu s’opposer la 1re armée française, sous les ordres du général de Lattre de Tassigny, à la 19e armée allemande, les Allemands ont trouvé refuge dans la forêt de la Hardt, en Alsace.
Il ne se passe pas un jour sans que les hommes de Jean- Pierre ne soient la cible des tirs allemands : balles crachées par les fusils et les armes automatiques ennemis, pluie de grenades et d’obus de mortiers. Les conséquences de ces tirs sont dramatiques. Des hommes de Jean-Pierre tombent, tués ou blessés. Le froid se met de la partie, paralysant les armes automatiques et occasionnant des blessures. Cinq hommes doivent être évacués car leurs pieds ont gelé. Le 19 janvier, à 21 heures, les Allemands passent à l’offensive. Les hommes de Jean-Pierre résistent et se protègent toute la nuit en faisant pleuvoir des grenades devant leur ligne de défense. Le lendemain, à 9 heures du matin, la 8e compagnie est enfin relevée et envoyée en repos à Blotzheim.
De la libération de l’Alsace jusqu’à l’armistice
Les missions s’enchaînent : occupation du bâtiment de l’écluse, formidable poste d’observation d’où l’on pouvait voir la rive droite du Rhin et aussi toute la plaine allemande ; mission d’observation sur l’île située entre le canal et le Rhin ; missions de patrouille.
Dans la première quinzaine du mois de février 1945, une offensive générale des Alliés permet la libération définitive de toute la plaine alsacienne. À la toute fin du mois de mars, les hommes de Jean-Pierre reçoivent un armement entièrement neuf, mais britannique celui-là.
Le 22 avril, les hommes de Jean-Pierre atteignent Breisach am Rhein, où ils feront prisonniers un S.S. et trois soldats de la Wehrmacht. Dans leur progression en territoire ennemi, les soldats de la 8e compagnie seront également amenés à inspecter le château de von Ribbentrop (le fameux ministre des affaires étrangères du Troisième Reich) où ils libéreront plusieurs prisonniers polonais. Renvoyée sur Mulhouse le 26 avril, la 8e compagnie repart le 30 avril pour l’Allemagne où elle tiendra garnison à Dillstein (près de Pforzheim).
La guerre est finie mais la campagne se poursuit jusqu’en Autriche
Le 8 mai 1945, l’armistice est signé avec l’Allemagne. La guerre est donc enfin finie. Pour autant, les hommes de Jean-Pierre continuent de servir au sein de la 1re armée française. Le 7 juin, alors que la 8e compagnie est toujours basée à Dillstein, Anatole part avec son peloton, à 4 heures du matin, pour une opération de ratissage autour de Pforzheim et Karlsruhe. Il arrête 5 suspects, dont un nazi, chef de la police locale.

Les hommes de Jean-Pierre défilent en Autriche le 14 juillet 1945
Les soldats de Jean-Pierre sont envoyés, le 9 juillet, en Autriche, plus précisément à Bregenz, ville située sur la rive droite du lac de Constance. De par leur bon comportement (qui contrastait avec celui des soldats américains, auteurs de nombreux viols), les anciens maquisards vont séduire la population bregenzoise. Mais si leur séjour ressemble, par moments, à des vacances, les soldats de la 8e compagnie n’en sont pas moins actifs. Ils arrêtent notamment 35 personnes, dont plusieurs officiers et sous-officiers S.S. qui se cachaient dans les chalets et hôtels de la vallée d’Ötztal.
Finalement, les hommes de Jean-Pierre seront démobilisés à la fin de l’année 1945.